Le document de 1717 nous a donné une vue quantitative du village, celui-ci nous en donne une vue spatiale, certes il y a 70 ans entre les deux mais les choses ont sans doute peu changé bien que La population soit passée de 36 à 40 feux et que le recensement de 1790 compte 150 personnes.
Mais d’où provient ce magnifique plan ?
Vous pouvez le consulter sur le site des archives départementales > A droite cliquer ARCHIVES Consultation des documents numériques > archives en ligne > plans d’Intendance> à droite Consulter des plans d’Intendance … et vous pouvez ainsi consulter l’un des 528 plans de Seine et Marne.
Les plans d’Intendance sont des documents réalisés à la demande de l’Intendant de la Généralité de Paris, Louis Bertier de Sauvigny. Ils ont été confectionnés de 1777 à 1789 afin d’harmoniser la répartition des impôts entre les différentes paroisses sur la base des surfaces cultivables. Ils permettent de connaître le territoire et l’habitat, souvent avec une grande précision. Le détail de la topographie des lieux habités, les anciennes routes et les principales cultures y figurent. Documents uniques, de grand format (en moyenne 100 x 60 cm) et aquarellés, ils présentent aussi un grand intérêt esthétique grâce à la qualité des dessins et la fraîcheur des couleurs. Novateur et homme des Lumières, Louis Bertier de Sauvigny n’en fut pas moins massacré à Paris en juillet 1789, mais son oeuvre demeure à l’origine du cadastre napoléonien.
Le plan de Vulaines a été levé le 21 août 1788 par « Nicolas Jollaine, arpenteur géographe de Melun, sur les indications de Jean de Laplace, syndic de la municipalité de Vulaines, Jean Songeux, greffier, François Ménage, Antoine Chevrier et Elie Delongue ». Le rapport (AD 1C1) décrit comment l’arpenteur parcourt le territoire, retrouve les bornes des limites, comment il « dirige des rayons visuels » pour mesurer par triangulation (leurs tracés sont visibles). Les mesures finales donnent « 844 arpents 60 perches ¼ » en arpents du roi de « 22 pieds par perche et de 100 perches par arpent ». Mais l’arpenteur précise « Tout le bois Gassot n’est point compris, la limite n’étant point déterminée exactement » et le même arpenteur le représente aussi sur le plan de Samoreau ! (Vulaines le perdra bientôt complètement). Le document de 1717 donnait 817 arpents, les différences sont minimes et la répartition par culture est quasi la même sauf pour les prés qui sont plus importants en 1788 et les jardins beaucoup moins, sans doute une question de définition.
Ce qui frappe sur ce beau plan, c’est l’homogénéité des différents espaces, homogénéité bien soulignée par la mise en aquarelle. Le jaune des 129 arpents de vigne occupe presque tout le coteau, les prés vert clair sont en bordure de Seine, le long du ru Dondaine et sur une ligne de sources à mi-coteau, le vert plus foncé des 50 arpents de bois se voit en limite de paroisse, vers Champagne et surtout vers Samoreau. Le reste est pour les labours, les jachères et les friches. Le dessinateur a marqué de brun les rebords du plateau et le Petit Rocher de Vulaines est dessiné comme une vraie colline, il est moins visible aujourd’hui, mais le chemin qui le longe porte son nom.
Les maisons
La concentration de l’habitat est encore plus remarquable. Les 38 maisons de 1717 dont le château, les 2 grandes fermes, n’ont sans doute pas beaucoup changé mais maintenant nous savons où elles sont. Toutes les maisons du village sont le long de l’axe des rues James-Riché-République. Avec un pôle Ouest autour de l’église, que l’on repère assez bien au coin de deux rues, entourée de son cimetière marqué d’une croix, face à elle une grande ferme carrée. L’autre bout du village, à l’Est, est dominé par une très grande ferme et on compte de nombreuses petites maisons, le long des actuelles rue de la République et Pasteur, par contre rien à la place de l’actuel château des Brullys. Car le château du seigneur de Vulaines se trouve au centre, flanqué d’un grand parc très visible au nord. Les seules maisons dispersées sont « l’Isle de Cayenne » près de la Seine, la masure de l’Hermitage et la Garde de Dieu vers Champagne. Ces 2 dernières ont disparu, mais elles semblent déjà ruinées sur le plan, quant à Cayenne, la direction du Musée Mallarmé assure qu’il s’agit de son bâtiment.
Rues et chemins
Il est intéressant de repérer les rues et chemins toujours existants. On peut comparer avec l’actuel plan de Vulaines. Une fois traversée la Seine par un bac à traille (qui se déplace le long d’un câble tendu entre deux mâts), il existait déjà 2 routes dont seule l’une est dessinée sur ce plan, la seconde est la route royale ancêtre de l’actuelle D 210, bien visible sur la plan de Samoreau. Donc en venant de Valvins, on suit l’actuelle voie de la Liberté (la limite avec Samoreau sera rectifiée lors de la construction du pont) mais l’avenue de la Libération et « la fourche » n’existent pas, le chemin fait un angle droit vers le sentier des Bardins (l’accès pavé existe toujours mais est devenu privé) puis un autre angle droit devant l’actuel monument aux morts.
On a déjà vu l’axe est-ouest, vers l’ouest on retrouve la rue des Murgers rejoignant le chemin d’Héricy (CD 39) sur lequel prend l’autre axe E-O, la rue des Vazaniers (c’est-à-dire la voie aux âniers). Vers le nord on distingue bien l’actuelle rue de l’église, les sentiers des Pichois, des Cailloux, le chemin de la Brosse et celui de Machault. Vers l’est on distingue encore la patte d’oie au dessus du cimetière actuel, avec les chemins de Mouligny et des Vaches, et au centre celui de la Vierge, devenu une route, on retrouve le carrefour de la Vierge avec sa statue, puis le chemin de Champagne qui rejoint la D 210. Donc toute la structure routière existe déjà, il ne manque que les rues liées à l’extension des constructions, mais au centre la rue du Parc, la ruelle Goby, l’impasse du Veau sont bien visibles.
Serge CERUTI